La fermeture de Hua Lamphong marque la fin d’une époque pour les nombreux vendeurs des rues qui écoulent leur marchandise dans le quartier.
Avec ses vitraux bleutés, orange et vert, la gare historique de Bangkok se prêtait à la rêverie des départs mais plus aux ambitions logistiques d’une mégalopole de 10 millions d’habitants: l’essentiel de ses activités ferroviaires vont être détournées huit kilomètres plus loin.
La gare de Hua Lamphong, élégant édifice néo-renaissance niché au cœur des vieux quartiers défraîchis de la capitale thaïlandaise, va mettre à l’arrêt une partie de ses lignes à partir de novembre, avant sa probable transformation en musée et en espace commercial.
La fin d’une époque pour les quelque 37 millions de voyageurs qui arpentaient chaque année ses quais au milieu des porteurs en nage et des vendeurs à la sauvette. Destination: Chiang Mai – la perle du nord, les villes du sud jusqu’à la Malaisie, les rives du Mékong…
Mastodonte de verre et d’acier
Les départs et les arrivées se feront désormais à Bang Sue, monstre de verre et d’acier construit huit kilomètres plus au nord, près du célèbre marché aux puces de Chatuchak.
D’une superficie de près de 300.000 m2, huit fois plus vaste que la gare du Nord à Paris, Bang Sue sera l’un des plus grands hubs ferroviaires d’Asie et pourra accueillir jusqu’à 600.000 voyageurs par jour. Elle reliera les deux aéroports, les principales villes du pays et, dans un futur plus lointain, à grande vitesse, Singapour, la Thaïlande, le Laos et la Chine.
Cette nouvelle gare est « un élément moteur de l’ambition de la Thaïlande de devenir le plus grand centre de transport ferroviaire de l’Asean » (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), s’est félicité en 2020 le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha.
Ambition touristique
Bang Sue est aussi un réaménagement clé pour l’une des premières destinations touristiques mondiales.
Avant que la pandémie ne frappe, la Thaïlande accueillait près de 40 millions de visiteurs par an, la très grande majorité transitant par Bangkok.
Une fois que les voyageurs étrangers seront de retour, le gouvernement espère que la nouvelle gare les aidera à accéder facilement à une plus grande partie du pays, y compris les zones reculées qui ont grandement besoin d’un coup de pouce économique.
Transférer les lignes de Hua Lamphong à Bang Sue est un défi logistique. Les poussiéreuses michelines au diesel vont être remisées aux hangars, incompatibles avec les nouveaux rails.
« Nous avons acheté et loué de nouvelles locomotives électriques », explique Siripong Preutthipan, gouverneur-adjoint du chemin de fer national de Thaïlande (SRT). « Seules les rames de ce type pourront transiter à Bang Sue ».
La nouvelle gare est loin de faire l’unanimité
Située au coeur de la mégalopole, Hua Lamphong était plébiscitée par les milliers de travailleurs et d’étudiants qui commutent chaque jour des banlieues vers le centre.
Ce changement « va grandement les affecter », relève à l’AFP Sawit Kaewvarn, président du syndicat des travailleurs du rail.
Ils arriveront désormais au nord de la ville et devront parcourir des kilomètres pour rejoindre le centre touristique ou le quartier des affaires.
Et « les nouveaux trains électriques qui feront la navette avec la banlieue seront beaucoup plus cher que les trains diesels qu’ils empruntaient quotidiennement », s’inquiète Sawit Kaewvarn.
Désengorger
En attendant, les autorités travaillent à améliorer les connexions entre Bang Sue et les différents quartiers de la ville.
Objectif: désengorger la mégalopole qui manque cruellement de connexions, les voyageurs se repliant sur les bus bondés, les bateaux et les moto-taxis.
La fermeture de Hua Lamphong marque la fin d’une époque pour les nombreux vendeurs des rues qui écoulent leur marchandise dans le quartier.
« Que va-t-il se passer maintenant? Mes affaires vont considérablement diminuer », soupire Sutanya Sangrit qui tient depuis 39 ans un petit stand de nourriture près de la gare historique.
Un projet est à l’étude pour transformer « la grande dame », construite par l’architecte italien Mario Tamagno au début du XXe siècle, en musée et en espace commercial. Au regret d’un certain nombre d’habitants qui trouvent que Bangkok possède déjà suffisamment de gigantesques centres commerciaux.
Source ETX Studio – Photo © Lillian Suwanrumpha / AFP.