Conversion bio, géothermie, potager géant, fermentation et ikejimé, retour à la campagne post-covid : voici quelques-unes des initiatives qui ont été récompensées d’une Étoile Verte dans le Guide MICHELIN 2022.
Face au réchauffement climatique, à l’effritement de la biodiversité et à la mauvaise santé de nos écosystèmes, les chefs et les restaurants du Guide MICHELIN sont depuis longtemps passés à l’action. Les nouvelles Etoiles Vertes de l’édition 2022 en témoignent. Chai climatisé naturellement, vignoble bio ou en reconversion, politique du kilomètre zéro, potager, poulailler et ruches maison, bannissement des matières plastiques en cuisine, recyclage des déchets, réhabilitation des techniques de conservation : les initiatives vertueuses s’invitent à chaque instant de la vie d’un chef et de son restaurant.
1. Retour à la campagne pour le chef de d’Auberge sauvage (50170, Servon)
Le chef Thomas Benady, on l’a connu à la Machine à Coudes, un resto de poche de Boulogne-Billancourt, cette banlieue hyper-dynamique de l’Ouest qui touche la capitale. Il aimait déjà le vert et le végétal, le légume et la nature. Après une seconde expérience de restauration en plein de l’un des arrondissements les plus denses de Paris (le 11eme), après un confinement et une pandémie, il plaque tout pour la campagne.
Direction la Normandie, à Servon, dans la Baie du Mont-Saint-Michel. Avec sa compagne, il a retapé un ancien presbytère et créé un immense potager où il puise une partie de ses légumes, de ses fleurs et de ses plantes aromatiques. Le reste provient d’un maraîcher local, tout comme le poisson d’un petit pêcheur de Granville dont la philosophie épouse celle du chef. Fan de conservation et de fermentation, le chef aligne ses bocaux sur les étagères de son restaurant à la décoration volontairement dépouillée. Dans l’assiette, on se régale d’une cuisine moderne, végétale et très japonisante, qui épate jusqu’à ce dessert très original, une incroyable tartelette à la courge du jardin, compote et yahourt de courge et crème glacée à la flouve odorante, jolie graminée très parfumée comme son nom l’indique…
2. Une table écolo au sommet de Saint-Émilion : Les Belles Perdrix de Troplong Mondot (33330, Saint-Émilion)
Château Troplong Mondot, Premier Grand Cru classé de Saint-Emilion, est en pleine réflexion globale autour du développement durable. Cette réflexion se fonde sur 3 piliers : la réduction de leur empreinte carbone, le respect de la biodiversité et la gestion des déchets. Tout est fait ici pour respecter la nature : verger et potager en permaculture, compostage des déchets, contenant recyclables, bornes électriques sur le parking, et surtout un nouveau chai naturellement climatisé. Le bois récupéré après la taille des vignes est transformé en granulés qui servent à alimenter une chaudière biomasse. La table, vaste salle ultra-contemporaine ouverte sur l’océan de vignes de Saint-Émilion, avec son sol en pierre, ses tons sable et sa baie vitrée géante, vibre à l’unisson de cet univers. Le chef David Charrier et le pâtissier Adrien Salavert (Passion Dessert 2020) cuisinent ce paysage, le fruit des récoltes de leur potager et du verger, celui des petits producteurs locaux systématiquement mis en avant. Avec ses deux-là, tout part du produit, pour arriver à cette cuisine aussi saine que précise. Une réussite.
3. Renaissance d’une ancienne cave coopérative : Domaine Riberach – La Coopérative (66720, Bélesta)
Des vins produits en agro-écologie (sans pesticides, ni herbicides, ni produits de synthèse), des bâtiments chauffés par géothermie, une piscine filtrée par les plantes, un restaurant alimenté essentiellement par un grand potager et une philosophie du km zéro pour l’approvisionnement : tels sont les préceptes en vigueur au Domaine Riberach – La Coopérative, un magnifique domaine viticole situé entre pays cathare et pays catalan. La passion a transformé cette ancienne cave-coopérative en hôtel design écolo et table gastronomique. Pour dîner, on s’installe dans un décor hybride, mélange réussi de matériaux naturels et de vestiges de l’ancienne coopérative. Un jeune chef y proposer une cuisine méditerranéenne actuelle et créative, réalisée à partir de beaux produits naturels (asperges vertes, volaille, turbot…).
4. La démarche holistique de la Table de la butte (29260, Plouider)
Chaque jour, Nicolas Conraux rend un véritable hommage aux produits de Bretagne, à travers des recettes qui allient maîtrise technique, élégance et créativité. Déjà propriétaire d’une boulangerie au cœur du village, très proche de nombreux petits producteurs finistériens, il n’a eu de cesse de nourrir son goût pour le beau, le bon et la… bienveillance. Qu’on en juge : ouverture d’une seconde boulangerie, création d’un potager, d’une serre bioclimatique en bois à aération passive et de jardins en permaculture, embauche d’un maraîcher, formation et sensibilisation de la brigade à la naturopathie, uniformes en lin et coton bio confectionnés localement pour ses équipes… Pour être juste, il faudrait aussi mentionner les ruches, les assiettes en bois de récupération, les verres fabriqués à base de coquilles d’ormeaux…et une seconde boulangerie !
5. Le jardin enchanté de la Table du gourmet (68340, Riquewihr)
Au cœur de la cité historique de Riquewihr, dans cette Alsace qu’on aime, Jean-Luc Brendel a construit un écosystème absolument remarquable, tout entier au service de sa cuisine. Le joyau de ce royaume, c’est son jardin du Kobelsberg, remarquable par son ampleur et la rareté de ces essences : 350 variétés de plantes, de légumes et de fruits, dont la moitié en bio et en permaculture. Cette richesse et cette diversité permettent à la table du chef d’atteindre l’autosuffisance de juin à octobre. Sans oublier les œufs bio du poulailler et le miel des ruches : plus qu’un écosystème, un art de vivre et de bien manger a trouvé refuge dans cette ancienne maison de vigneron du 16e s.
6. Le tao de Toya (57380, Faulquemont)
Fils de restaurateurs, le chef Loïc Villemin a passé beaucoup de temps avec ses grands-parents d’origine slovène. Son grand-père, qui entretenait un potager, élevait des poules et des lapins, lui a transmis ce goût de la nature et du vivant. Le nom de son Tōya est vient d’un lac volcanique situé au cœur du parc de Shikotsu-Tōya au Japon – un Éden de la gastronomie aux yeux de ce chef fasciné par les techniques de fermentation asiatiques. Dans son restaurant, labellisé écotable, il travaille uniquement les poissons de lac et de rivière qui arrivent vivants dans sa cuisine et qu’il prépare selon la méthode japonaise ikejime. Cet abattage respectueux de l’animal permet une longue conservation du poisson. Les matières plastiques ont été bannies des cuisines ; les produits d’entretien sont fabriqués « maison » sans chimies; les légumes proviennent du potager du restaurant et d’une ferme des environs. Le restaurant Toya met également un point d’honneur à aider ses producteurs, en travaillant notamment leurs produits mal aimé et difficiles à écouler.
Source et photos © Guide MICHELIN.