Le point de départ d’une huître bio, c’est d’abord la qualité des eaux, explique Anne Marquet.
« Bonne marée! », s’écrie le pilote d’un bateau plat en dépassant celui d’Anne Marquet à la sortie du port ostréicole de La Teste-de-Buch (Gironde). La jeune femme part en mer s’occuper de ses huîtres, les seules dans le bassin d’Arcachon à être certifiées « bio ».
D’habitude, le travail dans les parcs, c’est plutôt l’affaire de son compagnon et associé Nicolas Goderel (le « Go » des Huîtres MarGo) mais ce jour-là il est resté à terre, affairé à la cabane.
Le temps des basses eaux, sur un vaste banc de sable où une forêt de long piquets de bois séparent les parcelles, l’énergique trentenaire va retourner, déplacer, décharger, charger des dizaines de sacs aux mailles serrées remplis d’huîtres en affinage.
« Ce n’est pas par +bobo attitude+ » que MarGo est devenue bio, assure Anne, bonnet à pompon sur la tête et pantalon de ciré jaune. Aboutissement de trois ans d’efforts, leur certification « Agriculture biologique » est tombée en octobre, à temps pour les Fêtes.
C’est un label qui « parle au grand public », reconnaît-elle mais c’est aussi le symbole d’une certaine « éthique », d’une manière de faire traditionnelle respectueuse du produit et de l’environnement qui anime le couple d’ostréiculteurs.
Le point de départ d’une huître bio, c’est d’abord la qualité des eaux, explique Anne Marquet. Ensuite, cette huître ne peut pas être une « triploïde », aux chromosomes modifiés en laboratoire pour la rendre stérile, donc jamais laiteuse, et qui représente 70% de la production française selon elle.
En outre, avec le bio, « on a une obligation de suivi de A à Z de notre produit, pour garantir au consommateur une traçabilité », dit-elle. « Nos huîtres, on les connaît un peu toutes par leur petit nom, on les vus naître et grandir, de la +bébé+ à la +marchande+… »
Ne pas gruger le consommateur
Mais là où le bio permet « de se fournir en naissain (bébé huîtres, ndlr) bio dans des écloseries », MarGo va plus loin avec ses huîtres « 100% nées en mer » (marque « Ostréiculteurs naturels ») et d’origine « 100% Bassin d’Arcachon » (label « Tradition » du Comité régional de la conchyliculture Arcachon-Aquitaine, CRCAA).
En somme, des huîtres qui n’ont jamais vu un laboratoire ni d’autres eaux que celles du Bassin et qui ne viennent pas d’une autre région ostréicole ni d’un autre producteur arcachonnais.
« Nous produisions comme ça avant le passage en bio et nous n’avons pas augmenté nos prix après », assure Anne Marquet, selon qui une quinzaine de producteurs en France font du bio.
Elle-même a attrapé le virus de l’huître en servant dans une cabane de dégustation un été au Cap Ferret et a laissé tomber ses études d’histoire de l’art pour se lancer dans l’aventure ostréicole.
Elle veut croire que « le fait de ne pas gruger le consommateur, ça finira un jour par payer », sans rentrer dans le détail « des pratiques » de certains confrères.
« Rares sont ceux qui nous ont félicités », observe-t-elle, comme si la démarche inspirait la méfiance ou le coup marketing. « Mais j’aimerais bien qu’on ne soit pas les seuls ». Selon elle, les démarches sont un peu lourdes mais rien d’infaisable.
Au port, l’ostréiculteur voisin, Jérôme Laboual, jette un oeil bienveillant sur la MarGo bio: « C’est dans l’air du temps », dit-il. « Moi ce qui me rebute, c’est la paperasse! Mais ça met en valeur le travail de tout le monde et la qualité de nos eaux. »
Le président du Comité régional Thierry Lafon salue, lui, « l’opiniâtreté » d’Anne Marquet, qu’il crédite d’avoir démontré, en analysant en détail les cartes maritimes, que les eaux du Bassin étaient bien éligibles au label.
S’il admet que « culturellement, les ostréiculteurs n’ont pas une grosse appétence pour les démarches contraignantes », le responsable espère que MarGo va « faire des émules » localement: « La certification bio est une preuve tangible qui va au-delà des discours. C’est un vecteur de valorisation ».
Source ETX Studio/AFP – Photos © Philippe Lopez / AFP.