Lundi dernier j’ai eu la chance de participer au voyage de presse organisé par le guide Michelin. Cet agréable voyage de Paris à Chaumont sur Loire en TER fut l’occasion d’assister à la présentation de la future cérémonie des étoiles du guide Michelin France qui se déroulera à Tours le 18 mars 2024.
Ce voyage fut aussi une occasion de rencontrer les responsables de la région Centre-Val de Loire et de la Ville de Tours qui vont organiser l’accueil des acteurs de la « planète gastronomie », les chefs étoilés et les journalistes du monde entier en mars prochain.
Notre destination pour la journée était le Domaine de Chaumont sur Loire qui abrite l’un des plus beaux châteaux du Val de Loire.
Propriété, au XVème siècle, de la Reine Catherine de Médicis, puis de Diane de Poitiers, le Château de Chaumont-sur-Loire a accueilli tout au long de son histoire de nombreux personnages célèbres, tels Nostradamus, le sculpteur Nini, Benjamin Franklin ou Germaine de Staël. À la fin du XIXème siècle, il connaît une intense période de rayonnement et de fêtes avec la Princesse de Broglie, dernière propriétaire privée du Domaine qui fit notamment ériger de luxueuses écuries et la ferme modèle du Domaine. Acheté par l’État en 1938, le Château resta monument national jusqu’en 2007, année où, dans le cadre des transferts du patrimoine d’État aux collectivités territoriales, la Région Centre-Val de Loire s’en porte acquéreur. Devenu, dès lors, Domaine régional de Chaumont-sur-Loire, il connaît depuis un très fort développement. Dominant la Loire et entouré de parcs paysagers d’un seul tenant, il compte aujourd’hui parmi les châteaux de la Loire les plus beaux et les plus meublés.
Nous fûmes accueillis au domaine par Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont.
Le Domaine régional de Chaumont-sur-Loire réunit trois entités composantes d’un projet unique mêlant art contemporain, art des jardins et patrimoine. Le Centre d’Arts et de Nature invite chaque année des artistes de renommée internationale, plasticiens et photographes à venir créer sur le thème de la nature, des œuvres inédites et originales, “in situ” dans le château, les écuries et les bâtiments de la ferme, ou “in natura” au cœur des parcs du domaine. Le Festival International des Jardins présente un panorama étonnant de la création paysagère dans le monde. Depuis 1992, plus de 800 jardins ont été créés, prototypes des jardins de demain. Le château qui domine la Vallée de la Loire classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO illustre l’architecture défensive de l’époque gothique et l’architecture d’agrément de la Renaissance, et s’enrichit chaque année de collections de meubles et objets rares.
Le compte à rebours a commencé
C’est dans 6 mois jour pour jour que se déroulera cette cérémonie 2024 qui nous réserve une fois encore plein de belles surprises et d’émotions ! Après Cognac en 2022 et Strasbourg en 2023, la cérémonie du Guide Michelin 2024 se déroulera au palais des congrès de la capitale tourangelle.
En se projetant un peu, verra-t-on le restaurant de Guy Savoy récupérer une 3e étoile ou est-ce que le chef local, Christophe Hay, sera la star de la soirée et décrochera une troisième étoile pour son restaurant de Blois ?
Devant un parterre d’élus, de journalistes locaux et notre groupe venu de Paris, le directeur international des Guides gastronomiques Michelin, Gwendal Poullennec, prit la parole pour expliquer le choix de Tours et de la région Centre-Val de Loire.
« Tours est un choix du cœur, mais c’est tout le Centre-Val de Loire qui est un peu le jardin de la France que le Guide souhaite mettre en avant en organisant cette cérémonie ici, » expliquait Gwendal. « En Centre-Val de Loire on trouve une grande diversité de productions agricoles et un réel engagement en faveur d’une gastronomie durable, » ajoutait Gwendal Poullennec, citant également les centres d’excellence, que sont, à Tours, l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, ainsi que le label « Cité de la gastronomie » obtenu par la ville en 2013.
« Il y aura un avant, un pendant et un après, » annonçait le directeur des Guides. « Cette cérémonie braquera en effet le projecteur sur toute une région. L’an passé, 600 chefs et 180 journalistes ont assisté à la cérémonie à Strasbourg. 1.400 articles de presse, parlant à la fois du Guide Michelin et de la région Alsace, étaient parus à l’international. L’impact media des retombées de l’organisation de la cérémonie 2023 sont évalués à 2,9 milliards. A Tours l’évènement aura un effet dans la durée. Ici, nous avons tous les ingrédients pour faire une magnifique recette ! »
Frédéric Augis, président de Tours Métropole, ne cachait pas sa satisfaction. « Cela récompense toute une filière », soulignait-il, avant de citer quelques grands noms locaux, comme celui du « retraité actif Jean Bardet, alias “ le pirate de la gastronomie ”. »
Le président de la Région François Bonneau voit quant à lui dans cette cérémonie l’occasion de redorer le blason de secteurs en souffrance.
« On observe une fascination pour notre gastronomie, mais parallèlement, chez les jeunes, un manque de candidats à remplacer les futurs retraités de l’agriculture et une pénurie de bras dans la restauration. Or, nous sommes à un moment où un véritable dialogue s’est engagé entre ceux qui cultivent ou élèvent, ceux qui transforment et [ceux qui servent]. Tout cela est une chaîne. La restauration est également un élément fondamental du vivre ensemble. Il est important d’envoyer ce message à une époque où les jeunes ont besoin de trouver du sens. Les jeunes justement seront sollicités durant la cérémonie. « Il faut que nos lycées mais aussi nos CFA (Centres de formation des apprentis) soient de la partie. »
« Mettre en valeur, mais pas n’importe quelle cuisine », soulignait Emmanuel Denis, maire de Tours. « Nous souhaitons promouvoir une cuisine qui respecte la saisonnalité des produits, l’équilibre des repas, la gestion responsable des déchets et des ressources, et qui fait appel à une agriculture respectueuse de la terre. »
Le chef Christophe Hay comme ambassadeur
Aucun chef n’était présent à l’occasion de la conférence de presse qui s’est tenue ce lundi à Chaumont-sur-Loire. C’est que le guide Michelin veille à son image d’impartialité. D’ailleurs, son directeur Gwendal Poullennec a tenu à mettre les choses au clair : « Le fait que Michelin choisisse une région pour la cérémonie n’aura aucun impact sur la future liste des [étoilés]. Mais il appartient à la Région de trouver des porte-parole. »
En la matière, parmi les 21 chefs étoilés du département (dont sept en Loir-et-Cher et six en Indre-et-Loire), le Centre-Val de Loire a le choix. Et le président de Région François Bonneau a déjà cité le nom du chef loir-et-chérien doublement étoilé Christophe Hay. En amont de la cérémonie du 18 mars prochain, il aura pour mission de « structurer, articuler, représenter le collectif des cuisiniers de notre région », résumait François Bonneau.
Un déjeuner au restaurant du Grand Chaume au cœur de l’hôtel Le Bois des Chambres
À la fois restauration d’une ancienne ferme et création architecturale, l’hôtel conçu par Patrick Bouchain et Loïc Julienne respecte l’environnement existant. Les chambres sont installées dans deux constructions nouvelles à isolation thermique renforcée, Les Logis de la Loire et Les Logis du Loir, qui dupliquent, comme des ombres portées, les anciens corps de ferme.
Pour le déjeuner au restaurant gastronomique du Grand Chaume le chef Guillaume Foucault nous avait préparé un véritable festin en 5 séquences. Installé sur l’emplacement de l’ancienne maison d’habitation de la ferme, Le Grand Chaume accueille, uniquement le soir, les amateurs de cuisine fine et authentique dans une architecture et un décor loin de tout standard. Ce déjeuner mettait en avant les quatre grandes régions naturelles du Centre – Val de Loire sublimées par le fleuve emblématique à savoir la Sologne, la Brenne, le Perche et la Beauce. Crevettes du bassin de Loire, Bleu de chèvre, Canard Colvert, Boudin noir, et en dessert Carotte, cumin et graines de pignon de pin représentant la Beauce et ses légumes, là où on ne les attendait pas.
Un chef bourré de talents
Enfant, Guillaume Foucault ne se rêve pas en cuisine. C’est la nature qui l’attire. Mais quand en plein hiver, une réponse se fait attendre, l’élève de troisième choisit la chaleur des fourneaux plutôt que le froid du jardin. Il occupera son premier poste de chef à l’âge de 27 ans. Depuis lors, la cuisine qu’il développe n’est pour lui que le prolongement du monde qu’il aime, le terroir qu’il traduit dans l’assiette. Empreint de l’exigence et de la rigueur apprises au côté d’Alain Senderens au Lucas Carton et de Pascal Barbot, dont il était le second à l’Astrance, Guillaume Foucault déploie une inventivité proche des produits à l’”état de nature”. En 2013, il ouvre avec Quy Phi, son épouse, Le Pertica, à Vendôme, qui se voit décerner une étoile au Guide Michelin en 2017. Trois ans plus tard, c’est son engagement envers une gastronomie durable qui est récompensé par une nouvelle étoile, verte cette fois. L’avenir semble alors tout tracé. Mais l’esprit d’aventure qui règne au Domaine de Chaumont-sur-Loire gagne le couple. À la proposition d’embarquer pour Le Grand Chaume, le duo ne résiste pas. Il sera en cuisine et elle en salle. Car un “restaurant ce n’est pas que le chef”, aime à répéter Guillaume Foucault.
Pour finir cette journée au Domaine de Chaumont, Madame Chantal Colleu-Dumond nous offrait un tour de quelques-uns des jardins extraordinaires du Domaine. Jusqu’au 5 novembre, le Domaine de Chaumont sur Loire accueille le Festival International des Jardins 2023 qui met en avant le jardin résilient.
Dérèglement climatique, dégradation du monde vivant, telles sont les nouvelles données auxquelles les zones naguère tempérées du globe sont désormais confrontées. Fragilité, déséquilibre, incertitude sont aujourd’hui au cœur des préoccupations et impliquent pour chacun d’entre nous la nécessité de s’adapter à un climat qui change, en minimisant les effets délétères de températures élevées, en repensant nos comportements, en luttant contre les îlots de chaleur, en utilisant des solutions nouvelles ou traditionnelles, face à la raréfaction de l’ombre et de l’eau.
Sobriété, autosuffisance grâce à la permaculture, aux forêts comestibles, aux corridors verts… tout est à mettre en œuvre pour renforcer la résilience de nos jardins, pour anticiper, agir, rebondir, réduire les vulnérabilités.
Tel est le défi proposé aux concepteurs des jardins de l’édition 2023 qui ont su proposer des projets tentant d’ouvrir des pistes permettant au jardin, condensé de vie et de biodiversité, de résister aux outrances de l’Anthropocène.
Dans ce jardin résilient à inventer, à cultiver, toutes les contraintes de notre temps ont été envisagées et de belles solutions proposées par les concepteurs, qui ont su faire de leur parcelle un concentré d’imagination, de savoirs et de savoir-faire, pour y renforcer la présence des végétaux.…
Cette journée s‘est achevée aussi bien qu’elle avait commencé et nous nous sommes donné rendez-vous en mars prochain à Tours pour célébrer les étoiles 2024.
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Photos © Emmanuel Lupé