C’est sûrement l’une des plus séduisantes nouvelles de cette rentrée des tables. C’est, une fois encore, Assaf, Uri, Dan, Tomer, réunis par leur belle amitié et l’envie sincère de prendre du plaisir pour mieux en donner. C’est, bien sûr, dans ce quartier Montorgueil qui, à l’appel comme au charme de ses petits pavés, accueille tout le Paris qui sort.
C’est toujours du côté de cette rue Saint-Sauveur dont le trio s’est fait un terrain de jeu fétiche. C’est après le singulier Shabour, l’énergique Tékès, le détonnant Kapara, un quatrième lieu aussi inédit que pressé du goût des autres.
C’est une irrésistible salle en poche, complice aux premiers instants lorsque soudain chez eux devient chez vous. Le petit chic des murs en pierres grattées, les photos de famille, les flacons, les bocaux, les bouquets qui les habillent, les tables joueuses ou plus intimes et cette cuisine ouverte qui bat d’un cœur gros comme le bonheur.
C’est un désir de bar à vins, ce genre si parisien auquel Assaf, Uri, Dan, Tomer se promettait, depuis longtemps, d’offrir leur vision toute personnelle. Un bar à vins de la Rive Droite qui lèverait ses verres vers les Méditerranées, les soleils et les grands ciels.
C’est Félix Boulegue, jeune sommelier voyageur et la folle boussole d’une vigne monde partie du Levant pour rejoindre la Provence en passant par le Liban, Chypre, la Grèce, la Turquie, la Roumanie, l’Arménie, la Géorgie, la Slovénie, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie, on en passe qu’on oublie pas.
C’est une cave qui voit la vie en rosé, en rouge, en blanc pour mieux partager sa poésie de cépage galiléen, dalmate, égéen, certains plus proches, d’autres plus lointains, tous portés par le plaisir et l’esprit, l’éveil et la curiosité. Des vins baladeurs, vagabonds que l’on fréquente en s’avouant qu’ils rendent peut-être plus heureux, plus loquaces, plus drôles ou plus amoureux.
Le chef Eviatar Primat est tout à son aise dans cette cuisine du nouveau Paris, mélange « double culture » où le beau style classique croise aux Orients. C’est une carte en mouvement, un dîner comme il vous plait, des compositions à la volée de la saison, au fil d’assiettes caressantes, percutantes, toujours emballantes. C’est, dans le même élan, la bisque de homard et le tahini, un labneh, une sauce albufera, des recettes solaires et cet appétit spontané – cœur léger, bouche pleine – qui se régale d’insatiable et d’inattendu.
C’est le revenez-y de cette langoustine grillée, brocolini charbon et beurre mashya, le ludique de ces brochettes pargit que l’on trousse dans de petites crêpes comme aux rue de Jaffa, le tonique tartare d’agneau-caviar sur panisse qui vient vous cueillir les lèvres et le crush gourmand du déjà incontournable hakosem, œuf frit façon falafel qui vient rouler dans les parfums d’une sauce trigourt et amba.
C’est un rendez-vous qui choisit le soir, les quartiers de lune, les heures bleu-nuit histoire de rattraper ce que le jour a oublié de nous donner. C’est aussi le talent d’un public, celui dont on ne parle jamais ou si peu mais qui, ici, brille de tous ses feux, de tous ses rires, de toutes ses joies et de cette vista à partager, retrouver, rencontrer.
C’est un climat qui s’installe mieux qu’une atmosphère, plus qu’une ambiance, comme un invisible piano-bar où Christophe lâcherait ses mélodies dandy avant que les musiques ne se débrident. Électriques, éclectiques, énergiques. Quelque chose, quelque part des petites folies seventies qui reviendraient du côté d’aujourd’hui avec la joie d’en être, ce frisson des possibles, la nocturne insouciante, les regards croisés, les bras levés, les talons sur les tables et la tendre pulsion à ne plus s’appartenir.
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Source CP et visuels © Shana.