En ce début d’année 2020, L’Abysse, comptoir-à-sushis ouvert en juin 2018, obtient sa deuxième étoile au Guide Michelin France.
La première a été délivrée par le guide rouge en 2019, six mois après l’ouverture du lieu. Le Pavillon Ledoyen de Yannick Alléno réalise l’incroyable exploit de rassembler trois restaurants étoilés au guide Michelin France 2020 !
Une semaine avant l’annonce des chefs et restaurants étoilés du Michelin 2020, j’ai eu la chance de découvrir l’Abysse et de rencontrer le chef Yasunari Okazaki. Durant ma carrière internationale, j’ai déjeuné et dîné dans une centaine de restaurants de sushis mais je dois admettre que lors de mon déjeuner au restaurant l’Abysse, j’ai réalisé un voyage gastronomique étoilé inoubliable !
L’Abysse, un environnement de contemplation
Au Japon, tout est un cadeau; la plus petite chose est précieusement considérée, délicatement emballée, c’est une question de respect. Pour imaginer l’écrin de son restaurant japonais, Yannick Alléno s’est inspiré de cette spiritualité et a demandé à Laurence Bonnel-Alléno de créer un nouvel espace, un lieu à part et sans pareil dans sa maison de cuisiner mais aussi dans Paris.L’Abysse a pris place au rez-de-chaussée de la bâtisse néoclassique érigée par Jacques-Ignace Hittorff dès 1841 et bénéficie d’un accès direct depuis l‘entrée principale. Laurence Bonnel-Alléno, sculpteur et galeriste, signe ici son premier restaurant en mettant à profit son sens esthétique, son amour des matières et ses connexions dans l’art contemporain.
Pour créer ce nouvel espace sans négliger les reliques du passé, elle a installé une boite dans la boite, blanche, immaculée, et l’a livrée à la création contemporaine. Au total, ce sont cinq artistes internationaux qui se sont rassemblés et sont intervenus pour composer ce cadre unique à l’épure nippone. Tadashi Kawamata qui présente une œuvre monumentale en baguettes, William Coggin avec un mur corallien colossal en céramique, Kostia avec un bar en bois de frêne-olivier, Célia Bertrand avec un lustre en fer forgé et porcelaine et Carine Delalande avec des jeux de matières sur les tables et les niches colorées.
La rencontre du chef Yasunari Okazaki avec Yannick Alléno a lieu en novembre 2016. Chef Okazaki est alors chef sushi dans un restaurant spécialisé de Ginza, les Champs-Elysées Tokyoïtes, dans lequel le chef français a réservé. Installé au comptoir, une connivence s’installe, Yannick Alléno se délecte, sympathise et propose rapidement son plan ambitieux à son interlocuteur qui lui-même rêve d’étranger.
« Un jour j’ai vu arriver Yannick Alléno dans le restaurant où je travaillais à Tokyo. Apres cela tout a été très vite. Yannick Alléno m’a présenté son plan pour son restaurant de sushis parisien et il m’a proposé de devenir le chef de l’Abysse à Paris. Je n’ai pas hésité une seconde et aujourd’hui je ne suis pas déçu. Nous venons d’obtenir une deuxième étoile Michelin et j’espère que notre succès va grandir de jour en jour. »
Yannick Alléno et Yasunari Okazaki travaillent ensemble sous le même toit du Pavillon Ledoyen et le chef Okazaki s’est adapté à la vie française et à Paris.
« Je suis impressionné par la beauté de la ville de Paris. J’adore travailler ici dans ce magnifique établissement du Pavillon Ledoyen. Yannick Alléno me donne carte blanche pour construire les menus, la carte et me laisse m’exprimer avec les plats. Je pense que les clients sont contents et nous travaillons bien évidemment dans ce sens avec l’équipe toute entière. Je travaille sur la qualité des produits, surtout le poisson évidemment, et je crois que cela se voit dans l’assiette. » La passion du chef Japonais Yasunari Okazaki pour la cuisine de son pays natal et les sushis vient directement de son père qui était maitre sushi avant lui et qui était certainement aussi réservé que lui.« Mon père était maitre sushi et j’ai vraiment été inspiré par lui. Il m’a impressionné par la qualité de son travail et pour sa passion pour son métier. Il m’a beaucoup inspiré. Quand j’étais jeune je n’aurai jamais pensé devenir maitre sushi et travailler pour un restaurant. »
L’Abysse, un comptoir-à-sushis moderne
L’Abysse est une tribune au monument miniature de la gastronomie mondiale. Le sushi paraît simple et pourtant il est particulièrement délicat : le choix du poisson, la cuisson du temps et la préparation du riz sont autant de procédés complexes qui demandent des années d’enseignement et d’application pour une compréhension profonde et parfaite. Ici encore la notion de L’Abysse fait surface. C’est pour cette raison que le chef deux fois triplement étoilé s’efface pour laisser s’exprimer le talent de Yasunari Okazaki.
C’est lors de ma rencontre avec ce personnage extrêmement talentueux que j’ai vraiment compris et appris, tout au long de cette expérience gastronomique, ce qu’était un sushi nigiri. Proposés à la carte du restaurant, les différents poissons qui servent à créer les sushis nigiris (saint-pierre, seiche, bar ike-jime, maquereau, seriole, thon rouge, beryx, thon mi-gras et gras ainsi que la daurade) sont d’une fraicheur remarquable, d’un gout absolument exquis et qui vous donnent l’envie d’en commander toujours plus.
Pour trouver les meilleurs poissons, Yannick Alléno, Yasunari Okazaki et les équipes du Pavillon Ledoyen ont recherché les pêcheurs les plus rigoureux. Certains d’entre eux pratiquent l’Ike-Jime sur les plus gros spécimens afin de garantir un goût et une fraîcheur incomparable. Littéralement tué de mort vive (Ike (vif) Jime (tuer)), l’Ike-Jime est une technique respectueuse de l’animal, qui préserve la blancheur, la translucidité et le goût pur de ses chairs. En effet, avec cette méthode, les chefs sushi disent même que nous mangeons du poisson abattu mais vivant !
A L’Abysse, le sushi représente la tradition poussée à son paroxysme. Pour autant ce comptoir ‘japonais’ n’en oublie pas où il se trouve et va puiser dans la modernité du chef français pour proposer des twists gustatifs sur ce qui le précède, ce qui lui succède et parfois sur le sushi lui-même… Ainsi Yannick Alléno peut décider d’introduire une exception dans la série classique : un sushi de langoustine à l’Extraction céleri, sur riz mariné mélangé avec du sésame torréfié et une fermentation de takuan (un navet japonais), et servir à côté une royale de navet avec une Extraction navet.
De fait, les séries de sushis alternent la tradition et la modernité, en conservant la règle pour le moins diabolique de ne jamais proposer deux fois le même sushi, afin de cultiver l’éphémère, appelé « Shun » et ce que les japonais considèrent comme une exquise frustration…
Des menus élaborés comme des voyages
Pour L’Abysse, Yannick Alléno et Yasunari Okazaki ont développé 3 menus. Un menu déjeuner à 98 euros, un menu « Rencontre » à 150 euros et un menu « Omakasé » à 280 euros. Les menus peuvent être servis avec l’accord sakés, vin et thés.
Grâce au concours de Louis Robuchon Abe et de Masashiro Saito, à travers leur société Japan Exquise France créée en 2016, qui rapportent avec soin les plus beaux produits du Japon avec une grande expertise sur les sakés (50 références, couvrant l’entièreté du territoire), L’Abysse bénéficie d’une des plus belles et riches cartes en France.
Si vous souhaitez découvrir une des meilleures tables de cuisine japonaise, le restaurant l’Abysse est devenu une destination incontournable pour les amateurs de poissons crus et de grande gastronomie.
Photos ©Nicolas Lobbestaël, ©Sebastien Veronese