Entre deux confinements, nous avons tout de même pu voyager durant l’année 2020. Après avoir visité quelques-uns des plus beaux hôtels et palaces français, nous avons élu parmi les établissements visités, le Château Lafaurie-Peyraguey comme « Destination de l’année 2020 ».
Connaissant la difficulté actuelle de visiter ce lieu incroyable et magique qui est pour le moment fermé en raison de la crise sanitaire, nous avons décidé de vous révéler ses secrets en réalisant un reportage en deux parties qui présente l’histoire du Château Lafaurie-Peyraguey, le château, son domaine, son vignoble et ses vins, son hôtel Relais & Châteaux 5* et son restaurant 1* au guide Michelin, dirigé par le chef Jérôme Schilling.
Le Château Lafaurie-Peyraguey dans le Sauternais
Un style unique et reconnaissable entre tous… La Maison Lalique, marque iconique de l’art de vivre à la française, emblème du raffinement absolu, décline son univers en adresses hôtelières de prestige. Après La Villa René Lalique en 2015, estampillé Relais & Châteaux, et Château Hochberg by Lalique en 2016, tous deux situés à Wingen-sur-Moder en Alsace, troisième implantation d’un somptueux hôtel-restaurant en terres de Sauternes, dans le plus grand terroir de Crus Classés.
L’Hôtel & Restaurant Lalique ouvre ses portes le 23 juin 2018 à l’occasion des 400 ans de Château Lafaurie-Peyraguey. A l’initiative de Silvio Denz, président-directeur général de Lalique, cette adresse se veut convergence de quatre univers : le vin, le cristal, la gastronomie, l’hospitalité. Tout se rejoint en matière d’art et de sens ; il n’est d’autres règles que le savoir-faire, l’exigence, la passion. Une même visée, aussi, l’émotion.
Quatre siècles d’histoire
Œuvre séculaire de quelques lignées de propriétaires illustres qui se sont employés à magnifier le domaine et la renommée des vins… L’épopée commence au lointain Moyen-Age ; au 13e siècle furent édifiés le porche et les tours d’enceinte du château, vestiges de pierres les plus anciens de la commune de Bommes. Le premier propriétaire connu, le sieur Raymond Peyraguey, fit bâtir un donjon fortifié autour de Peyraguey ; en 1618, convaincu de l’exceptionnel potentiel des terres, il développa la culture de la vigne. Au XVIIIème siècle, une autre famille devint propriétaire du Château : la famille de Pichard. Le Baron Nicolas Pierre de Pichard, conseiller du Roi de France et président du Parlement de Bordeaux, était également propriétaire du Château Lafite.
Le 22 juin 1796, la propriété est vendue aux enchères à messieurs Lafaurie et Mauros. Rapidement, ce dernier céda ses parts à Pierre Lafaurie. Sous l’impulsion de Pierre Lafaurie aîné, le vignoble s’est taillé une réputation d’excellence. Consécration lors du classement officiel de 1855 : Château Lafaurie-Peyraguey figurait au rang des Premiers Crus Classés, deuxième dans la liste. Le roi Alfonse XII d’Espagne avait alors fait de Peyraguey son vin de prédilection, “ achetant une barrique au prix fabuleux de 6000 francs or ”.
En 1865, le Comte Duchâtel, ancien Ministre de l’Intérieur, choisit de moderniser les installations techniques des chais et de rénover le château dans un style hispano-byzantin. En 1917, le négociant-éleveur honorablement connu, Désiré Cordier, privilégia la qualité des crus quand d’autres misaient sur les volumes. “ Remarquable par la finesse, la sève, l’arôme, le vin produit sur ce domaine est très recherché ”, lisait-on dans la belle brochure Les Grands vins de Bordeaux, éditée en 1939.
Après avoir remis la propriété en parfait état, le groupe Suez a revendu en 2014 le Château Lafaurie-Peyraguey à Silvio Denz, président-directeur général de Lalique. Particulièrement sensible aux riches heures du domaine, l’homme d’affaires bâlois a commandé une étude à l’historien Rolland Kissling, méticuleux artisan des archives. Avec Silvio Denz, un nouveau chapitre s’écrit…
La réhabilitation, un subtil exercice de style
Quatre années d’intenses travaux ont été nécessaires pour magnifier ce site magique. L’impérieuse priorité : préserver l’identité originelle du lieu et ajuster l’esthétique à la configuration singulière des bâtis existants. Il s’est agi de combiner les matériaux de l’époque, ceux qui donnent à l’édifice son identité historique, avec les détails contemporains qui l’installent dans le présent. Afin de préserver l’âme de la bâtisse historique, Silvio Denz a confié la réhabilitation aux talentueux architectes d’intérieur, Lady Tina Green et Pietro Mingarelli, créateurs de la collection de meubles et accessoires Lalique Maison. Leur grand œuvre a été de mêler magnifiquement les matériaux, bruts et naturels, de la région à des effets doucement contemporains. L’utilisation du chêne dépoli est ainsi agrémentée de cristal Lalique. Dans un même esprit, la verrière, extension moderne suggérée par l’architecte de renom Mario Botta, s’intègre parfaitement dans le serein paysage de vignes. Dotée d’une frêle ossature métallique, elle se fond dans le décor ; la transparence des parois de verre joue comme un exhausteur de l’allure sobre du lieu.
Au cœur de Sauternes, un terroir unique
Le Château Lafaurie-Peyraguey, Premier Grand Cru Classé en 1855, se situe sur les hauteurs du village de Bommes. Jouxtant le Château Yquem, son vignoble de 36 hectares est implanté sur la troisième terrasse de l’appellation Sauternes, à plus de 50 mètres d’altitude. La mosaïque de terroirs – situés sur les quatre communes, Bommes, Sauternes, Fargues, Preignac – confère une typicité, anciennement reconnue, aux vins de Château Lafaurie-Peyraguey. Les parcelles de “ L’Enclos ” et des “ Maisons Rouges ” (15 hectares) représentent le cœur historique de ce terroir d’exception ; les autres sont réparties à proximité de divers crus classés de l’appellation sous forme d’îlots de cinq hectares chacun (Yquem, Suduiraut, Guiraud, Rieussec et d’Arche).
Une grande diversité de sols et sous-sols (majoritairement graves et argiles) ont été répertoriés ; cette typologie singulière explique l’exceptionnelle complexité aromatique des vins de Château Lafaurie-Peyraguey. Silvio Denz a choisi de hisser la propriété à son plus haut niveau. Depuis son arrivée, une attention plus grande a été portée à la viticulture : sélection drastique des parcelles les plus qualitatives, conversion progressive en bio, adaptation de techniques culturales, renforcement racinaire des plantes.
La magie Sauternes
Ce miracle est né d’un microclimat entre deux affluents de la Garonne, le Ciron et le Gatmort. Sauternes, Bommes, Fargues, Preignac et Barsac, autant de lieux élus qui ne répondent pas seulement à des coordonnées géodésiques mais aussi astrales et solaires. Dans la plus petite appellation communale bordelaise, les vins semblent absorber, par capillarité ou transmutation, cette lumière perlée, subtile, indécise.
C’est la région dans le monde qui produit le plus de pourriture noble d’une telle qualité. Les brouillards matinaux d’automne, conjugués au soleil de l’après-midi, favorisent le développement d’un champignon minuscule, le Botrytis cinerea, lequel concentre les sucs des baies. Après cette phase de surmaturation, le grain est rôti. La corruption de la moisissure provoque l’exaltation du fruit qui réagit violemment en décuplant ses arômes. Curieux et émouvant paradoxe : l’humidité providentielle, si souvent délétère pour les autres vins, entraîne ici belle concentration.
L’excellence du sauternes provient aussi d’un mode de culture singulier ; travaux en vert minutieux, vendanges longues par tries successives, ramassage manuel grain à grain. Un travail de dentelière dans les frimas du vendémiaire : un cep compte, une baie pèse. Des rendements faibles résultent l’extraordinaire densité aromatique.
Les vieilles familles sauternaises, comme les nouveaux acteurs de cette exception française à l’instar de Silvio Denz, perpétuent l’histoire du sauternes et s’appliquent à faire rayonner son image au-delà de nos frontières. Leurs efforts répétés ont permis de dessiner une nouvelle géographie à ce vin qui sait s’inviter sur toutes les tables. Aujourd’hui, on ne l’apprécie plus seulement dans les alliances académiques.
Photos © fournies gracieusement par le Château Lafaurie-Peyraguey.