Le chef de la Villa Madie à Cassis, Dimitri Droisneau, et le chef de Plénitude – Cheval Blanc Paris, Arnaud Donckele (déjà triplement étoilé à La Vague d’Or – Cheval Blanc St-Tropez), obtiennent tous les deux la distinction suprême du Guide MICHELIN, les fameuses trois étoiles qui valent le voyage. Portraits de ces deux chefs attachants, humbles et discrets.
Dimitri Droisneau – Villa Madie, Cassis
Prise entre les falaises du cap Canaille et les calanques, la baie de Cassis forme un spectaculaire amphithéâtre rocheux où viennent se nicher la ville, le port et l’un des plus anciens vignobles de France dans cette belle lumière. Elle continue d’inspirer les artistes ainsi que Dimitri et Marielle Droisneau, qui vivent et travaillent dans une maison qui surplombe la Méditerranée. Ce territoire est devenu le fil rouge exclusif de la cuisine du chef, pourtant né en… Normandie. Après un apprentissage à Alençon, le jeune homme va enchaîner les rencontres marquantes, notamment avec Claude Terrail à la Tour d’Argent, Alain Senderens au Lucas-Carton, ou encore Bernard Pacaud à l’Ambroisie, traçant discrètement son chemin avant d’entrer à son tour dans la cour des grands.
Aujourd’hui, toute la magie du Sud, terre et mer confondues, est convoquée dans les assiettes du chef, qui témoignent d’une cuisine légère, subtile, savoureuse, fraîche et aromatique, percutante quand il le faut, surprenante et souvent renouvelée. L’utilisation remarquable des agrumes (la Méditerranée, toujours !), des herbes et des plantes, aromatiques et sauvages, terrestres et marines, apporte des notes de fraîcheur et d’acidité, tout au long d’un repas aérien, cohérent et équilibré, riche en émotions. Le chef voue évidemment un culte au poisson et c’est comme si la mer venait ici lécher les assiettes dans ce village de Cassis où il reste encore, bon an mal an, une petite dizaine de pêcheurs.
Le plat de la Villa Madie qui a marqué les inspecteurs : la crevette carabineros sur tartelette de fruits rouges
Parmi plusieurs grands plats, citons la crevette carabineros sur tartelette de fruits rouges, véritable harmonie céleste d’iode et de fruits. Un plat « topissime » selon les inspecteurs. Une très belle crevette carabineros, à la queue décortiquée, juste poêlée, nacrée à cœur, un superbe produit au parfum safrané naturellement, une sauce de glaçage de têtes des carabineros d’une profondeur remarquable, et une sauce mousseuse des carapaces et huile de crustacés, tout aussi excellente ; le tout est posé sur une tarte sablée très fine aux fruits rouges (framboise, mûres et fraises de bois). Une préparation aussi forte visuellement que gustativement.
Arnaud Donckele – Plénitude – Cheval Blanc Paris
Quelques mois après son arrivée à Paris, le chef Arnaud Donckele, déjà triplement étoilé à La Vague d’Or de St-Tropez, remporte le Graal au restaurant Plénitude au sein de l’hôtel Cheval Blanc Paris. Dans cette Samaritaine ressuscitée au terme d’un chantier pharaonique, il dispose d’un écrin irrésistible : un superbe immeuble Art déco, admirablement restauré, situé au bord de la Seine – trait d’union avec sa Normandie natale. De Saint-Tropez à la capitale, ce technicien hors pair, toujours aussi attachant, n’a rien perdu de sa personnalité culinaire ni de sa sensibilité.
À sa table parisienne, Arnaud Donckele s’appuie d’abord sur les produits exceptionnels de nos terroirs, ce qui n’a rien de surprenant pour ce petit-fils de paysans. Cette matière première est sublimée par un cortège de sauces, de bouillons, de jus et autres vinaigrettes, unique en son genre. Le chef parvient même à en associer deux sur chaque plat, une sauce et un jus émulsionné, toujours avec harmonie. Cette bibliothèque de sauces comprendrait une centaine de titres dont il conserve jalousement le secret. Ces élixirs, qui se suffiraient presque à eux-mêmes, sont généreusement laissés à disposition sur table ; un « guide » pédagogique remis à chaque convive permet d’en comprendre la composition. La réplique sucrée orchestrée par le pâtissier Maxime Frédéric atteint les mêmes sommets. Enfin, l’accueil cousu main de cette adresse d’exception procure au client un sentiment d’exclusivité rare.
Le plat de Plénitude – Cheval Blanc qui a marqué les inspecteurs : rouget de Méditerranée, pomme boulangère, oursin pour fumet de roche « Bravade » et borgne.
On commence par le fumet de poissons de roche de Méditerranée aromatisé au pastis, cognac, échalote, fenouil, céleri, bouillon de favouilles, peau d’orange, basilic, crocus, pomme de terre, huile d’olive et jus d’oursin. Une concentration de parfums et de saveurs envoûtantes, proche d’un bouillon de bouillabaisse. Sur le côté, un sabayon « borgne », clin d’œil à la tradition provençale de la soupe borgne que l’on fait le lendemain de la bouillabaisse. Ce sabayon vient laquer une partie d’un très beau filet de rouget, accompagné de sa pomme de terre boulangère, de chips de châtaignes, de feuilles de basilic frais, de peluches de fenouil sauge et de gelée d’oursin. Un très beau plat signature de haut niveau.
Source et article © publié sur le site du guide Michelin. Copyright photo © Le Petit Gastronome / Villa Madie, Sylvie Becquet / Plénitude – Cheval Blanc.