En quelques années, Annecy et son lac sont devenus un foyer gastronomique incontournable. Serti dans un grandiose décor de montagnes, le lac est un joyau naturel dont les eaux pures révèlent bien des délices, tandis que la vielle ville mérite bien son surnom de « Venise savoyarde ».
L’édition 2023 du Guide Michelin a confirmé cette année encore qu’Annecy et sa région faisaient partie des plus étoilées de France.
Lors de mon récent séjour à l’hôtel Les Trésoms, j’ai eu la chance et le privilège de rencontrer Eric Prowalski. Ce chef absolument incroyable tant pas son talent de cuisinier que par son approche philosophique de la vie qu’il mène depuis 12 ans sur les bords du lac. Vous pouvez écouter l’épisode du podcast Chefs & Bolides consacré au chef afin d’écouter son histoire.
L’éclosion d’un chef à la double identité culinaire
Eric est aux commandes de la cuisine du restaurant gastronomique La Rotonde depuis 2011. Aujourd’hui le Chef Éric Prowalski navigue entre l’horizontalité de l’Aquitaine et la verticalité des Alpes. Deux destinations naturelles et culturelles puissantes et complémentaires pour proposer une gastronomie qui s’affirme en finesse, privilégiant les circuits courts et producteurs locaux de Savoie, avec des clins d’œil aux origines du Chef.
Depuis juin 2011, Éric Prowalski a opéré un changement de cap, fruit d’un travail d’introspection et de remise en question à la recherche de ses racines et de son identité culinaire. C’est un chef épanoui, serein et sûr de lui qui œuvre à la Table du restaurant gastronomique La Rotonde des Trésoms. Un Chef, qui a à cœur de communiquer avec ses équipes, intégrant l’écoute et la pédagogie à son management. Il a appris à dessiner et mieux préciser ses plats, les raconter et s’assurer que sa brigade saura les interpréter fidèlement. Ce travail l’a amené à recevoir le trophée Gault et Millau de la Cuisine de la Mer Auvergne Rhône- Alpes. En 2021. Éric a posé sur la maison une jolie étoile, une belle récompense au Guide Michelin.
Je suis accueilli au restaurant par Nathan Marin le directeur des restaurants. Ce soir-là la pluie s’est invitée sur Annecy et de temps en temps le soleil qui souhaite pointer son nez offre un spectacle d’arc en ciel assez exceptionnel au-dessus du lac que l’on aperçoit depuis la salle du restaurant.
L’amuse-bouche que le chef appelle « le prologue » arrive. Il est créé tout comme « l’épilogue » autour de la betterave. En effet le chef a souhaité que la betterave, l’oubliée des cartes gastronomiques, soit mise en valeur et a décidé de la travailler différemment. Utiliser la betterave c’est aussi pour interpeler le client surtout en la cuisinant froide et chaude.
Comme la plupart du temps quand un chef souhaite me faire goûter sa cuisine, ce dernier a préparé un menu pour une expérience gastronomique inoubliable. Je débute mon expérience gastronomique par les coquillages. « Une plongée dans l’océan Atlantique ». Ce plat est un assemblage de coquillages (vernis et couteaux) pour rappeler la côte Atlantique et accompagné de rhubarbe et d’herbes lacustres d’Annecy. Il est inspiré d’une expérience de plongée en apnée effectuée par le chef et les couleurs orange et rouge rappellent celui des coquillages de mer. Ce plat est juste un régal pour les pailles et les pupilles. Cette entrée tout comme le deuxième plat est servie avec un Pessac Léognan Château Grand Cru Latour Martillac 2018.
Le cheminement du chef en tant que cuisinier a été marqué par trois grands Chefs, auprès desquels il s’est formé. De Jean-Marie Amat, tant aimé des Bordelais, il retient le côté créateur, rêveur et professionnel. Philippe Etchebest lui apprend technique, compétition et bienveillance. Alain Solliveres, au sein de la Maison Taillevent alors triplement étoilée au Guide Michelin, lui inculque l’amour du produit et la rigueur. Durant dix années, Eric se forme à la cuisine de palace où le dressage se doit d’être sans faille.
Le premier poisson est servi et non des moindres. La Féra du lac d’Annecy « Cheminement cristallin et lacustre chaud et froid d’Annecy à Duingt ». Avec ce plat qui pourrait rendre jaloux tous les plus grands chefs doublement et triplement étoilés, on retrouve dans l’assiette cinq morceaux de féra pêchés à des endroits différents tout au long d’une journée de pêche sur le lac entre Duingt et Annecy.
Les morceaux sont cuits de différentes manières et le bouillon bleu pacifique qui les entoure rappelle l’eau turquoise des plus belles plages du monde mais qu’on retrouve parfois à certains endroits du lac d’Annecy. Pour compléter ce tableau et ajouter une touche de fraîcheur, le chef ajoute une glace à la féra.
Adepte de la méditation, le chef atteint une forme de plénitude et de sagesse. S’il ne se départ pas d’une bienveillance naturelle, il a beaucoup gagné en précision, exigence et limpidité. Il prend un plaisir à transmettre sa vision de la cuisine à ses équipes, ainsi qu’à ses hôtes. Tout ce qui était superflu disparait des assiettes pour aller à l’essence de chaque produit. Bienvenue dans un monde de partage, de saveurs délicates et d’émotions. Une cuisine subtile et gourmande est née. Les assiettes sont colorées, féminines et élégantes. À travers ses créations, Éric interprète les deux territoires qui ont forgé sa vie. Dialogue entre le bassin d’Arcachon et le lac d’Annecy.
« J’ai la chance d’une double culture. Celle d’abord de mon histoire familiale dans le Sud-Ouest (père Basque, mère d’Arcachon où j’ai vécu l’essentiel de mon enfance), puis celle de ma région d’adoption (Annecy en Haute-Savoie), qui m’a accueilli à bras ouverts. Chaque jour, je crée de ces doubles racines une véritable identité culinaire ».
Le thème de l’eau est le trait d’union entre ces 2 territoires naturels prégnants. À Arcachon, l’eau symbolise pour Éric l’infini horizontal, la puissance des vagues, la marée. La luminosité est plus irradiante qu’à Annecy. Même les forêts projettent dans un univers terrien, musqué, alors qu’en Savoie se distillent des senteurs florales et nuancées.
À Annecy, l’eau est douce, souvent paisible, limpide. Lové dans ses montagnes, le lac est comme un miroir aux infinies variations de couleurs. Éric y éprouve un sentiment de plénitude. Chacune de ses créations fait dialoguer ces 2 mondes, 2 écosystèmes, qui se complètent, s’harmonisent ou s’opposent. Le lac d’Annecy calme et rayonnant le conduit à interpréter les poissons d’eau douce et les légumes de nos maraichers. Répertoire subtil ! Pour donner plus de profondeur de goût, du rebond en finale à ces produits nuancés, Éric trouve une touche sublimante dans sa région d’origine. La pêche d’Arcachon et les produits du Pays Basque délivrent un côté brut, l’iode, la salinité, la puissance, le charnel, le gras, le piment : autrement dit un supplément de gourmandise, de longueur en bouche et de complexité.
C’est ainsi que dans le prochain plat, on retrouve un poisson que j’affectionne particulièrement surtout quand il est très bien cuisiné. « Le Saint Pierre tout en élégance ». Cuit en basse température, glaçage safrané, piquillos et algues. Il est présenté en tagliatelle, en trompe l’œil style carbonara accompagné d’un jus délicieux. Ce plat est servi avec un Vacqueyras Château Montirius « Minéral »2017.
La prochaine étape du menu est un brochet, « Alliance entre le Lac et le Bassin d’Arcachon ». Ce poisson du lac cuit au beurre d’algues, salicornes et coton de brochet servi meunière avec une brandade de brochet. Le chef utilise également une petite feuille d’or pour anoblir le poisson accompagne de grains de caviar d’Aquitaine. Un plat que nous recommandons à tous les amateurs de poisson. Le brochet est servi avec un Mercurey 1er Cru « En Sazenay » Domaine Suremain 2020.
Les Trésoms se démarquent depuis des années par une carte des vins de haut vol, combinant de prestigieuses étiquettes et des découvertes. Cette dernière explore le grand Sud-Ouest dont est issu le Chef et les territoires de Savoie avec des vins profonds et d’émotion chez Louis Magnin et chez Jean-Claude Masson, Thomas Blard, Dominique Belluard, Dominique Lucas. Sur chaque menu, l’équipe de sommellerie offre aux hôtes des accords mets – vins pointus, issus d’une palette de plus de 300 références. Les bouteilles qui le méritent font l’objet d’un long vieillissement jusqu’à leur maturité en cave.
Il faut absolument garder de l’appétit pour le plateau de fromages qui est exceptionnel. Les fromages en majorité des Alpes proviennent de la fromagerie Pierre Gay, fromager affineur MOF à Annecy.
C’est maintenant le moment de goûter le premier des desserts.
L’abricot, « Entre jardin et région ». Ce dessert étonnant est servi avec une glace aux herbes avec du miel de la propriété. Le second dessert est un Chococaviar, « Crémeux chocolat de Bayonne maison Cazenave, œufs d’esturgeon d’Aquitaine ». Ce dessert est servi avec un Bas Armagnac Château Laubade 1998.
Enfin pour finir ce festin, le chef termine par « L’Epilogue », une glace à base de betterave, un des légumes ayant le meilleur pouvoir antioxydant.
Cette expérience gastronomique fut absolument divine et comme je le dis souvent, si j’avais le pouvoir de donner deux étoilés a certains établissements, le restaurant de la Rotonde et son chef Éric Prowalski mériteraient deux macarons sans hésitation.
J’ai passé un délicieux moment à Annecy et je recommande à tous les amateurs de gastronomie de venir déguster la cuisine du chef Prowalski qui vaut vraiment le détour. Merci chef.
Pour en savoir plus sur le restaurant La Rotonde des Trésoms, cliquez ICI.
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Photos © Les Trésoms et Emmanuel Lupé.