Lors de mon séjour gourmand au Château de Candie (lire l’article), j’ai répondu à l’invitation du jeune chef David Loisel qui m’a proposé de découvrir sa cuisine et de goûter les sept plats proposés sur son menu découverte au restaurant de l’Orangerie.
Il y a de nombreux jeunes chefs pleins de talents en France mais David Loisel qui est depuis quelques années le chef de l’Orangerie, est une véritable pépite ! Il n’a pas encore 30 ans, est originaire de Bretagne, et s’est installé au Château de Candie en prenant les commandes de la cuisine du restaurant gastronomique de l’hôtel. Très prometteur, David a fait ses armes auprès des plus grands étoilés de France et comme eux, rêve un jour d’accrocher une étoile au fronton du Château.
Lyon, Paris, mais aussi St-Barth, New York, Monaco… C’est à l’occasion de ses différentes expériences que David Loisel a pioché les ingrédients qui font aujourd’hui sa cuisine, son caractère et sa créativité, sa générosité, car il aime emmener ses hôtes en voyage. Ici la chaleur et l’authenticité d’un Paul Bocuse, là des accords peaufinés chez Guy Savoy, ici une technique acquise chez Christian Lherm, là encore une sauce contemporaine imaginée à la manière de Christophe Moret et enfin une maitrise des baies, acquise auprès de Sylvestre Wahid.
Mais David Loisel est unique et écrit désormais sa propre page au Château de Candie, apportant avec lui sa passion pour la cuisine, sa rigueur, sa méthode et surtout sa créativité pour accommoder les produits locaux et régionaux avec ses origines bretonnes. Une cuisine contemporaine concentrée sur les produits et la région qui l’accueille. Ainsi, il aime raconter des histoires en créant des mets d’exception. Pour cela, il s’entoure de producteurs locaux rencontrés entre Chambéry, Annecy, Les Bauges et Grenoble, aussi passionnés que lui par la qualité du produit, les saveurs et les accords mets-vin. Il y choisit le pain, les fromages, les poissons du lac, la charcuterie, les champignons dès qu’il le peut.
A l’image de sa génération « millennials », il est soucieux de la protection de la nature et de son impact sur l’environnement ; des préoccupations qu’il intègre dans sa façon d’aborder sa passion pour la grande cuisine. Ainsi, profitant de l’espace naturel du parc du Château, avec l’ensemble de son équipe, David Loisel a créé un potager à proximité des vignes pour cultiver des plantes aromatiques, des légumes de saison, des lentilles, du thé mexicain, de l’ail rocambole, de l’amarante… Le Parc possède aussi des ressources naturelles comme du cresson, de l’ail des ours, des orties, tout un environnement à portée de main dont s’inspire le chef pour imaginer de nouvelles saveurs, à l’image du dessert au miel réalisé grâce aux abeilles qui nichent dans les ruches du Château de Candie.
David Loisel apprécie l’échange et le partage, va à la rencontre de ses clients, partage son savoir-faire. Dans cet esprit, il invite les convives à découvrir son menu « carte Blanche ». Un menu en 5 ou 7 séquences dont personne ne connait l’assemblage mais qui doit refléter les envies de chacun et proposer quelques surprises. Entrez, dans l’univers de David Loisel, comme une invitation à un voyage gustatif et culinaire !
Le restaurant L’Orangerie distingué de 3 toques Gault&Millau
En 2022, David Loisel a été auréolé par trois toques par le guide gastronomique Gault&Millau. Le chef est passé d’une à trois toques en seulement un an. Une fierté et une très grande reconnaissance du travail formidable que le jeune chef a fourni, entouré de son équipe, pendant cette période si compliquée pour la gastronomie et le monde de la restauration.
Mon expérience gastronomique à la table de David
J’ai entendu parler de ce jeune talent et je suis impatient de m’asseoir pour débuter mon expérience qui en fait est un véritable voyage de Bretagne vers la Savoie. Dès les beaux jours, l’Orangerie propose aux amateurs de grand air sa terrasse ouverte sur un jardin paysagé.
Je suis accueilli au restaurant par Raphaël Diatta, le directeur de salle et chef sommelier qui de son Sénégal natal, là où il a appris son métier dans les grands établissements hôteliers de Dakar.
En mise en bouche le chef propose une salade de haricots verts, écrevisse du Lac Léman servit avec un lait de la coopérative du Tremblay infusées au tagète et gel de cidre qui vient apporter de la fraicheur au plat. Pour cet amuse-bouche l’accord est un Crémant (Chardonnay) de Savoie Perrier et fils, Jacquère qui est un cépage blanc tardif. En France, il est le plus répandu en Savoie et est utilisé plus marginalement dans le Bugey et dans le Dauphiné. Il donne un vin frais et léger, à boire jeune. C’est le cépage traditionnel et quasi exclusif de l’Apremont de Savoie.
Le premier plat est un omble chevalier en deux versions, un confit puis passé à la flamme, l’autre comme un damier cru et fumé. Servit avec un consommé d’omble perlé à l’huile d’estragon. Condiment avec les pieds de brocolis, salicorne et cerise. Ce plat permet de travailler un poisson de pisciculture de la région en différentes versions, se servir de l’intégralité des produits (le pied de brocolis que normalement on jette). L’accord pour ce plat est un Chardonnay appellation Bugey « Les bonnes » de la Maison Bonnard.
Le champignon de La Motte Servolex (commune limitrophe de Chambéry) est le deuxième plat. Sur le dessus de ce plat plus que surprenant et très gouteux, on va trouver le champignon tailler à cru, anguille et pickles d’échalotes, tuile de champignons. Pour ce plat le chef vient ajouter un jus d’anguille préparé comme un jus de viande. Dans l’assiette on va également trouver un jaune œuf confit puis fumé, champignon poêlé et pied de champignon passer à la flamme, anguille fumé. Pour ce plat l’accord met et vins est un Arbois Pupillin Chardonnay, Domaine de de la Pinte 2018. Cette cuvée est produite à partir de chardonnay produit sur le lieu-dit « Fonteneille », qui est un plateau argilo-calcaire, avec quelques veines de marnes bleues, sur les hauteurs de Pupillin dans le Jura.
Après ces premiers plats je suis déjà émerveillé par les talents du chef et il me tarde de goûter la suite. Justement le prochain plat est un poisson. Le brochet retravaillé en quenelle, glacé de sauce brochet zébré de purée artichaut, ail noir et homardine (la sauce homardine, appelée aussi sauce cardinal à cause de sa couleur) est une sauce armoricaine. Servit avec un jus composé des feuilles d’artichaut. Sur l’autre assiette on retrouve le brochet dans l’esprit d’un pâté de tête et pickles artichaut.
Ce plat est un peu son plat signature car il retrace jusqu’à ses premières années à Lyon et ses débuts chez Paul Bocuse ! Aujourd’hui il retravaille la quenelle de brochet avec les produits de sa région comme l’artichaut et le sarrasin. Pour ce plat le sommelier a sélectionné un Chablis Domaine Christophe Patrice qui va parfaitement avec ce plat traditionnel.
Pour l’avant dernier plat, le chef propose une féra du Lac Léman cuit en vapeur algue et terminé sur le marc de raisin. Aubergine fumé et farcie de caviar aubergine acidulé et algues. Ce plat nécessite une véritable mise en scène car la cuisson du poisson se fait dans un premier temps à la vapeur en cuisine mais se termine sur un mini BBQ Japonais par le client lui-même !
La féra, reine du lac Léman est un poisson d’eau douce délicat et racé. Pendant longtemps les riverains du Lac Léman n’avaient d’yeux que pour le filet de perche. Mais depuis quelques années, un autre poisson se fait une place sur les tables des restaurants et dans l’assiette des amateurs…la féra! Ce plat absolument remarquable est servi avec des aubergines des producteurs de la région et le chef utilise presque la totalité de cette féra dans sa préparation. Il ne jette rien et se sert même des écailles, des arrêtes et même de l’eau de cuisson des aubergines ! Le tout servi avec une sauce confectionnée avec un cépage de la région qui est la Mondeuse. Pour accompagner ce plat, notre ami sommelier a prévu un vin rouge régional, le Gamay Les Arcs de la Maison Bonnard qui s’accorde très bien avec ce plat unique.
Un dernier petit break avant de débuter le dernier des plats de ce voyage gastronomique. Le Veau de lait de la Chartreuse, courgette jaune, verte et violon mariné, condiment au fromage de brebis et herbes aromatiques du potager. Le veau de lait est livré par le boucher attitré du château, Stéphane Milleret. Boucher de Père en Fils depuis plus de 40 ans, la Maison Milleret par son nom et son expérience constitue aujourd’hui une adresse incontournable dans le milieu de la boucherie savoyarde. Le chef lui achète toute sa petite production de veaux de lait. Cette viande est remarquable et délicieuse. Le fromage de brebis sort tout droit de l’exploitation de Romain Guibert le producteur local. Avec ce dernier plat du chef, j’ai pu déguster un rouge Alloïs Ventoux Terre d’Ailleuil 2017 de chez François Busy.
A ce stade je peux tirer un bilan de cette expérience incroyable préparé par David Loisel. Ce dernier ne faillit pas à sa réputation. Tous les plats goûtés sont vraiment originaux et dignes de figurer sur la carte des meilleurs restaurants * étoilés français.
Après une discussion avec Raphaël Diatta sur le restaurant et les producteurs, le moment est venu de passer au sucré et de goûter aux desserts de la cheffe pâtissière Anaïs Grilo Pépé. La cheffe a préparé un sorbet pêche, croquant amande Timut, infusion roïbos pêche. L’été est la saison des pêches et Anaïs a voulu créer une vraie pause fraicheur avec le thé infusé et le poivre de Timut.
En pré-dessert la cheffe continue avec une pêche rôtie au thym et miel du château, quartier de pêche fumé et noix de Grenoble caramélisée, crème de thym. Le but est d’aller dans la continuité de la pause fraicheur avec la pêche rôtie au miel du château produit par l’apiculteur Maison Laurent Barrier. Pour ce premier dessert le sommelier me fait découvrir un Rivesaltes Domaine Parcé Frères.
En dessert je découvre le Melon de Cavaillon retravailler en condiment et sorbet, sablé vanille, crémeux citron et géranium odorant. Anaïs la cheffe pâtissière a fait une bonne partie de sa carrière dans le sud de la France et elle termine ce menu avec les coups de cœur qu’elle a pu avoir comme ce melon. Pour ce dernier dessert l’accord met et vins et un Limoncello Ilde Pinna local de Chambéry.
Bien entendu, tout bon repas se termine avec des mignardises. Et là, c’est une surprise de la cheffe qui propose une véritable tablette de chocolat entière, caramel au beurre salé… un moment inattendu et une tablette sur des notes de Bretagne qui se déguste avec bonheur.
Il est déjà tard et je suis absolument ravi de cette expérience exceptionnelle. Le fait de pouvoir découvrir ce type de cuisine proposée par des jeunes chefs bourrés de talents est une véritable chance. Le moment de rencontrer le chef est venu pour moi. J’avoue que ce dernier a les pieds sur terre et qu’il croit en ce qu’il fait. Merci pour cette magnifique expérience gastronomique savoyarde.
Source et photos © Emmanuel Lupé de Chefs & Bolides et Château de Candie.