Dans l’exposition « Allo, bureau, bobo », Jérôme Gence dévoile le quotidien de ces « nomades des temps modernes » qui, grâce à leur métier entièrement numérique, « ont choisi de faire de leurs fonds d’écran d’ordinateur paradisiaques une réalité ».
Télétravailler au soleil et les pieds dans l’eau ou à Paris dans la grisaille d’un appartement exigu: un photographe s’est plongé avant et pendant la crise sanitaire dans le quotidien d’une nouvelle génération « ultraconnectée » mais en manque de lien social.
Dans l’exposition « Allo, bureau, bobo » qui lui est consacrée au festival de photojournalisme Visa pour l’image à Perpignan, Jérôme Gence dévoile dans une première partie le quotidien de ces « nomades des temps modernes » qui, grâce à leur métier entièrement numérique, « ont choisi de faire de leurs fonds d’écran d’ordinateur paradisiaques une réalité ».
Direction Bali, considérée comme la « Silicon Bali » par une myriade de « web developpers » ou « community managers ». Sur une photo, une jeune femme est calée dans un flamand rose gonflable, un ordinateur portable à la main. Plusieurs autres jeunes sont au bord de la piscine autour d’elle, le nez dans leur écran.
« C’est une génération dont l’avenir professionnel est incertain. La précarité, le chômage font partie de son quotidien. Alors beaucoup se disent +on va profiter de la vie et voyager, sans attendre d’avoir peut-être un jour une pseudo-retraite+ », constate le photographe de 37 ans, qui dit s’identifier lui-même à ses sujets photographiques.
« Mais à une époque où on court comme ça derrière une forme de bonheur absolu, est-ce qu’il suffit de s’installer dans un endroit paradisiaque pour être heureux? », s’interroge Jérôme Gence auprès de l’AFP.
Sur un autre cliché, des dizaines d’hommes et de femmes sont réunis en communion autour d’un feu, chantant des mantras.
Ce phénomène « illustre assez bien le mal-être de nos sociétés occidentales. Ce sont des jeunes qui ont de plus en plus besoin de donner un sens à leur quotidien, et de sentir qu’ils font partie d’une communauté », analyse M. Gence.
Quand le photographe présente en 2019 son travail à des magazines, on lui répond que le sujet est « rigolo » et « exotique ». Puis arrive la crise sanitaire et des millions de personnes se retrouvent du jour au lendemain télétravailleurs malgré eux.
Jérôme Gence poursuit donc son travail, mais à Paris cette fois, dans l’appartement sombre et exigu d’un ingénieur qui lui confie que « le plus difficile est de ne parler à personne, sauf par écran interposé ». On le voit sur une photo prendre une pause à la fenêtre de son appartement, avec pour seul vis-à-vis le mur gris de l’immeuble d’en face.
« Finalement, la solitude est le point commun de toutes ces personnes. A partir du moment où vous travaillez derrière un ordinateur, vous êtes seul », constate le photographe, qui croit à l’émergence à long terme d’une forme « hybride » de travail, mêlant « distanciel et présentiel ».
Les 25 expositions du festival, gratuites, sont ouvertes au public jusqu’au 26 septembre.
Source ETX Daily Up – Photo ©Kanawa_Studio / Getty Images.