Nous avions laissé le chef doublement étoilé au guide Michelin dans le parc de son Château de Beaulieu et nous le retrouvons dans le domaine qui s‘étend sur 9 hectares et plus particulièrement dans sa ferme agricole.
La volonté de Christophe Dufossé est depuis le début de pouvoir s’étendre pour cultiver tout ou presque, avec l’aide de 3 jardiniers-maraîchers à temps plein et d’un tracteur. Aujourd’hui la ferme compte ainsi 50 variétés de légumes – navets, carottes, radis, haricots verts, haricots beurre, petits pois, lentilles, poireaux, fenouil, laitue, endives, tomates, courges « pomme d’or »… -, dont 4 de pommes de terre – Ratte, Fontenay, Princesse et Bintje -, une trentaine de fruits différents – dont ceux d’un verger où poussent pommes, poire, cerises, noix…-, une centaine d’herbes et une trentaine de fleurs comestibles.
Une longue liste complétée par des légumes oubliés, tels les panais, topinambour, crosnes, potiron, potimarron ou autre rutabaga. « Le tout cultivé dans le respect de la terre, de la météo et, bien sûr, de l’environnement », souligne le chef, qui fait visiter ce potager XXL à ses clients.
Aujourd’hui, le chef Christophe Dufossé est autosuffisant à 80% en fruits et légumes et à 100% en herbes fraîches. Des récoltes – dont 800 kilos de fraises et 250 melons par an… – qui permettent non seulement de fournir les cuisines du restaurant gastronomique et de la brasserie, mais aussi de composer des desserts pour ses deux restaurants, des confiseries, des confitures artisanales et des jus de fruits.
Permaculture, récoltes et cueillettes à la main, et variétés endémiques du Nord
Sur la façon de travailler « sa » terre, nourricière, Christophe Dufossé a été intransigeant. D’emblée, il a opté pour la permaculture. Une méthode d’agriculture durable et responsable qui permet de préserver des biotopes entiers. Quant aux récoltes et cueillettes, elles se font à la main pour être le plus respectueux possible de la nature. Soucieux de valoriser les terres de son Nord natal, Christophe Dufossé prend soin de cultiver quelques variétés endémiques propres aux Hauts-de-France.
Le concept de « La salle à manger du chef »
Du potager à l’assiette, le chef cuisine, sous vos yeux, avec 12 ingrédients de votre choix. Déjeuner ou dîner dans la salle à manger de Christophe Dufossé relève de l’expérience. Parce que le chef est présent. Parce qu’il cuisine, en direct, la richesse des terres du Château de Beaulieu.
Située dans l’un des salons du domaine, cette salle à manger peut accueillir 4 à 10 convives. Des convives qui jouent un rôle essentiel et immersif puisqu’ils doivent retenir (ensemble) 12 ingrédients parmi une liste de 20 produits de saison, adressée 48 heures à l’avance.
Le jour J, le chef vient avec cette sélection et improvise un plat sur deux, d’un menu en 7 services, devant eux. Un brin joueur, le maître de cérémonie s’amuse à placer les ingrédients retenus là où on les attend parfois le moins. Les associations de saveurs vous marquent avec une intensité au moins équivalente au show culinaire auquel vous assistez.
Sur la table, un plateau tournant – clin d’œil aux voyages en Chine du chef – permet de gouter aux différents plats et le gros pain de partage, prévu à cet effet.
Autre particularité : chaque serviette est glissée dans une pochette en tissu, fabriquée dans les Hauts-de-France, inspirée de celle dans laquelle les mineurs mettaient autrefois leur casse-croûte.
Cultivateur passionné, Christophe Dufossé ne pouvait pas imaginer son domaine sans y travailler les agrumes. combawas, cédrats, limes rouges, bergamotes, calamondins, oranges à jus, oranges sanguines, pamplemousses, mandarines, clémentines, citrons verts ou encore citrons jaunes sont autant de trésors odorants qu’il cultive tout au long de l’année dans sa magnifique serre aux agrumes de 80 m .
Le vivant, les saveurs et les produits du Nord en guise d’inspiration
Le nord de la France a ses produits, ses producteurs, ses recettes, ses traditions. C’est tout cela que Christophe Dufossé veut traduire dans ses assiettes et transmettre à ses équipes, en cuisine. Dans sa quête du meilleur, le chef cultive un certain éloge de la lenteur, étroitement liée au développement de la nature, à la roue des saisons. Il peut notamment se laisser une quinzaine d’essais pour peaufiner un plat. Tout un état d’esprit. Une vision. Et l’envie de susciter une émotion chez le goûteur, comme chez le « mangeur ». Car avec lui, la chicorée se marie au salé. La bière Ch’ti inspire une sauce. Le fromage « Fort de Lens », un fromage de pot qui tenait autrefois au corps de ceux qui descendaient dans les mines, trouve sa place sur le plateau tournant sur lequel une dizaine de fromages locaux sont posés et proposés. De ses herbes séchées, il en fait du thé et des infusions. De sa cinquantaine de variétés de légumes, il en concocte un jus, unique.
Un sourcing aux allures de carte postale : 100 % de produits estampillés Hauts-de-France
Pour compléter ses besoins en fruits et légumes, en plus de ses 4 hectares de production en site propre, Christophe Dufossé se focalise sur la proximité et la qualité. Même logique pour les viandes, poissons, fruits de mer et fromages. Au total, le chef sollicite une trentaine de producteurs et éleveurs exclusivement des Hauts-de-France. Ainsi son bœuf Angus, est élevé sur sa commune de Busnes par Virginie et Denis Soudan. On doit l’agneau du Boulonnais à l’éleveur Patrick Vaniel, les échalotes de Busnes à l’agriculteur Luc Brevart ou encore l’ail noir du Nord à la ferme de Julie Potdevin-Caron. Quant au miel, il provient des ruches du Château de Beaulieu, travaillées et entretenues par Baptiste Rousseau, apiculteur et producteur de miel bio à Annezin.
Enfant, Christophe Dufossé a grandi sur la Côte d’Opale. Aujourd’hui, le chef s’informe et se forme sur le terrain, jusque dans les capitaineries, afin de connaître les bonnes périodes de pêche pour chaque espèce. Car un poisson travaillé à une mauvaise saison « ne donne pas satisfaction dans l’assiette », explique-t-il. Le chef regarde, aussi, et en priorité, l’état des stocks. C’est une donnée encore plus importante et plus fine que la saisonnalité pour les produits de la mer. Concrètement, même si c’est de saison, quand les saumons, crevettes roses ou autres soles se font rares au large de Boulogne-sur-Mer, le chef laisse ces espèces en repos et il n’en a pas en cuisine. Il leur préfère alors les couteaux de la Côte d’Opale, ramassés à pied, qu’il travaille avec une émulsion à la bière Ch’ti. Autre de ses produits fétiches : le rouget grondin-perlon, uniquement rapporté par de petits bateaux, typiques de la mer du Nord. Une rareté qu’il affectionne.
Des animaux entiers à préparer, et un boucher en cuisine pour s’en occuper
Dans les cuisines du Château de Beaulieu, ils sont 28 cuisiniers, boulangers, pâtissiers, sans oublier le boucher, à travailler. Pourquoi la présence d’un boucher ? Parce que Franck Charlet coupe et découpe les bêtes entières achetées par Christophe Dufossé.
Ce qui permet au chef d’utiliser tous les morceaux d’une carcasse, quête du « zéro déchet » oblige. Bœuf – de 800 kilos -, agneau, volaille ou autre cochon de Loon-Plage, tout se prépare, se sépare, rien ne se perd. « Et de ce qui ne se mange pas, on en fait des jus », précise Christophe Dufossé.
Un laboratoire de 150 m ², 4 types de pains et du chocolat, lui aussi, « Fait Maison »
À chaque saison, ses pains. Et ce d’autant que le Château de Beaulieu dispose de sa propre boulangerie, où le chef boulanger Pierre-Olivier Sac-Épée, et son équipe, travaillent des farines du Moulin de Brimeux, du Petit Moulin de la Ferme du Cambrésis et du Moulin du Nord.
À chaque service, 4 variétés de pains sont présentées aux convives, dont un pain signature à base de farine bio, ail noir et échalotes de Busnes confites dans une bière ambrée du Nord.
Dès son arrivée, Christophe Dufossé avait fait le choix d’agrandir de 50 m ² le laboratoire existant, pour passer à 150 m ² afin que son chef pâtissier, Ludovic Soufflet, puisse avoir un espace dédié à la « chocolaterie ». Outre les tablettes « maison » et les gâteaux, le chef n’hésite pas, au gré des saisons, à le marier à des ingrédients inattendus. À l’instar des champignons, en automne. Le résultat : un entremet sucré-salé, où une subtile émulsion chocolatée côtoie la légèreté d’une mousseline aux girolles.
Un chariot de pâtisseries/confiseries gargantuesque
Christophe Dufossé a tenu à dessiner lui-même les plans de son chariot à douceurs sucrées. Et pour cause : il y a une quarantaine de pâtisseries et confiseries, toutes imaginées et réalisées sur place ! Cannelés infusés à la vanille et au rhum, sablés tout chocolat, étagère à macarons, crèmes brûlées infusées à la bière, sucettes, pâtes de fruits, mini « magnum » glacés, limonade au coquelicot…
Du café sur-mesure, élaboré avec un Meilleur Ouvrier de France, et son cérémonial
Vincent Ballot a été le premier spécialiste à décrocher le titre de Meilleur Ouvrier de France torréfacteur en 2018. Basé en Haute-Saône, il fournit en café la table gastronomique du Château de Beaulieu avec un café signature dont le mélange a été spécialement réalisé pour et avec Christophe Dufossé. Ce café fait également l’objet d’un cérémonial, au moment du service, puisque les grains sont moulus devant le client.
Retrouvez la première partie de la série d’articles ICI. La suite de notre reportage sur Christophe Dufossé et l’hôtel Château de Beaulieu est à retrouvée dans un prochain article. Pour réserver et en savoir plus cliquez ICI.
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Source DP et visuels © Château de Beaulieu.