Lancé il y a déjà deux ans, le magazine Chefs & Bolides propose une nouvelle rubrique « Expérience Gastronomique » qui permet aux lecteurs de découvrir des établissements et des expériences exceptionnels.
Pour démarrer cette rubrique en beauté j’ai accepté l’invitation d’Amaury Bouhours, chef exécutif du restaurant le Meurice Alain Ducasse et récemment mis en avant dans notre podcast Chefs & Bolides.
Dès mon arrivée dans le hall de l’hôtel Meurice, le premier palace parisien 5 étoiles qui fait partie de la Dorchester Collection qui regroupe quelques-uns des plus beaux hôtels au monde situés en Europe et aux Etats-Unis, je suis accueilli par Olivier Bikao le directeur du restaurant Le Meurice Alain Ducasse.
Situé au cœur du Paris historique, 228 rue de Rivoli, Le Meurice est l’incarnation d’une élégance paisible, de l’art de vivre par excellence, animé par la magie et les âmes des artistes qui en ont fait leur patrimoine. Le Meurice est un endroit inspirant et fascinant où règnent côte à côte, en toute harmonie, splendeur du XVIIIe siècle et confort moderne. Bien au-delà d’un établissement luxueux, c’est une galerie d’art, une aventure, une œuvre vivante.
Depuis son installation rue de Rivoli en 1835, le Meurice a connu de nombreuses opérations d’embellissement. La première, entre 1905 et 1907, sous la conduite de l’architecte Henri Nénot, voit l’intervention du peintre académique Théophile Poilpot dont les deux fresques, exécutées dans un esprit Commedia dell’arte, ornent encore la salle du restaurant le Meurice Alain Ducasse.
En entrant dans la salle du restaurant on est transporté dans une autre dimension. Immédiatement j’ai une pensée pour le château de Versailles car cette salle ressemble aux fastes des salles du célèbre château. Inspirée du salon de la paix de Versailles, la salle du restaurant impose son raffinement classique : miroirs anciens, lustres en cristal, bronzes, marbres et fresques. S’y ajoute la vue sur le jardin des Tuileries qui se dessine à travers les larges fenêtres.
Je suis assis et je m’aperçois que toutes les tables autour de moi sont occupées. Beaucoup d’étrangers séjournant à l’hôtel mais aussi quelques clients français. Il faut dire que le restaurant ne connait pas la crise et son taux de remplissage est très élevé. De suite ce qui me marque, c’est le ballet en salle emmené par Olivier Bikao qui prolonge les gestes des cuisiniers. Être attentif à chaque convive, s’adapter au rythme de chaque table, être présent sans être omniprésent témoigne d’un grand savoir-faire. Le juste geste, le juste mot pour une expérience unique.
Le chef de rang vient me présenter la carte avec les deux menus du jour. Le menu découverte (3 mets en demi, fromages et dessert) ou le menu collection (5 mets en demi, fromages et dessert). Le client peut choisir entre quatre entrées, trois poissons ou crustacés, trois viandes, cinq desserts ou laisser le chef Amaury Bouhours choisir ce que je fais bien évidemment afin que la surprise soit totale !
Les premières mises en bouche arrivent et de suite on comprend vite que nous sommes dans un restaurant doublement étoilé. J’apprécie une coupe de Champagne Pommery Apanage Rosé base 2017 accompagnée de tartelette salsifis truffées, pattes de poulet croustillantes, brioche / œufs fumé / caviar / raifort.
Une expérience à table difficilement égalable !
Lorsqu’Alain Ducasse a confié les rênes du restaurant à Amaury Bouhours, il lui a donné du même coup une ligne directrice : exprimer sa propre vision de la cuisine étoilée. Il pressentait que ce jeune chef, qui aime les mélanges, l’amertume, les aspérités, allait créer une cuisine qui lui ressemble. La boucle est bouclée : il y a la technique impeccable, il y a les produits exceptionnels et il y a surtout la liberté du jeune cuisinier.
Ici, on accueille les convives sincèrement. Le plaisir du client est le maitre-étalon du restaurant. Le service œuvre dans un esprit d’hospitalité et de convivialité si essentiel pour un moment réussi. Un art de recevoir fluide, presque inné.
Au restaurant Le Meurice Alain Ducasse la table est une scène : dépouillée du superflu, elle permet à l’œil de se concentrer sur l’essentiel. L’élégance de la table nait de la beauté intrinsèque de chaque pièce et de son caractère souvent unique. La belle assiette de présentation en porcelaine en forme de fleur bordée d’argent est spécialement créée par le designer japonais Shinichiro Ogata. Elle est fabriquée à Arita, dans la région de Kyushu au sud du Japon. La ville connue pour être le berceau depuis près de 400 ans de la porcelaine japonaise. Au Meurice, couleurs, lignes, matières tout n’est qu’harmonie.
Mon repas continue avec l’entrée. Le chef a sélectionné pour moi les Saint-Jacques de Normandie émincées et servies crues, déposées sur un condiment de poireaux brulés, anguille, shiso au barbecue et ail confit. Elles sont accompagnées de poireaux crayons à la plancha, crus et frits, d’andouille de Guémené taillée en julienne et frit et d’une râpée de poutargue de corail de Saint-Jacques. Un bouillon chaud et concentré de poireaux brûlés, Saint-Jacques et anguille, perlé d’une huile de poireaux vous est servi au moment. Cette entrée gourmande est accompagnée d’un verre de Sancerre blanc « Les Monts Damnés », Domaine Delaporte, 2017 soigneusement sélectionné par le sommelier Gabriel Veissaire.
Une cuisine de l’essentiel
Alain Ducasse et Amaury Bouhours, le chef exécutif, définissent au Meurice une cuisine presque ‘brute’ – dans le sens où elle fait du bon avec du simple – mais qui est d’une grande subtilité. Chaque geste du cuisinier est soigneusement pensé, avec une attention au détail poussée à l’extrême. La technique est longuement murie pour concentrer les saveurs, elle s’efface face au produit. Les goûts et les parfums peuvent ainsi exprimer pleinement leur force. Tout cela avec une vision très actuelle de la cuisine : les recettes s’allègent, les préparations s’épurent. Alain Ducasse (20 étoiles Michelin au total qui récompensent ses restaurants sur la planète) dit qu’il faut revenir à l’essentiel. Repartir du tout début, là où sont les goûts vrais, les parfums originels. Chaque plat doit faire résonner les saveurs.
Le service n’est pas trop long du tout et l’expérience se déroule à merveille. Je regarde autour de moi et les clients arborent tous, comme moi, un sourire radieux.
Le deuxième plat arrive. Cuisiner les poissons est une des spécialités d’Amaury Bouhours. Le Saint-pierre au beurre de cresson / artichaut / sésame. Ce Saint-pierre de Bretagne recouvert d’un beurre de cresson et cuit au four enveloppé dans une feuille d’artichaut, accompagné d’artichaut cuit et en pickles (notes acidulées), de cresson au naturel (côté poivré), de sésame blond bio. Une sauce végétale artichaut-cresson parfumée d’une huile de sésame parfume ce plat aux notes acidulées et poivrées. Le sésame est présent pour le gras et sa gourmandise. Ce plat accompagné d’un verre de Meursault « Le Limozin », Domaine X Monnot, 2018, est juste divin et le poisson fond dans la bouche.
Juste avant le prochain plat, je reçois la visite surprise de Julie Bares Bonneau, directrice adjointe du restaurant, qui vient me présenter quelques-uns des produits frais du jour servis aux convives. Son sourire et sa présentation me confirment que j’ai la chance de dîner dans un restaurant qui mise sur la fraicheur des produits et souhaite le faire savoir.
Pour le prochain plat, le chef veut me faire goûter son veau « grain de soin » grillé / sucrine / olive de Nice / menthe. Le veau de chez Gabriel Gauthier est élevé sous la mère pendant 4 mois. La longe est maturée par le restaurant 10 à 15 jours, pour apporter plus de caractère et avoir une viande avec plus de mâche. Le filet mariné-soja, citron, piment doux, ail confit, gingembre saisi au sautoir pour une belle caramélisation puis terminé au barbecue japonais pour le côté fumé. Ce plat est servi avec de la sucrine braisée au barbecue et un condiment de sucrine, olive de Nice, pignons de pins, menthe. Un jus de sucrine monté à la gelée de pied de veau, olive de Nice et menthe relève cette préparation.
Ce plat accompagné d’un verre de Côte-Rotie « Fructus voluptas », Domaine Jamet, 2016, est un des plats phares d’Amaury avec cette texture de veau si singulière. Des notes braisées, végétales, de la salinité apportée par l’olive de Nice et la fraîcheur par la menthe. Juste exceptionnel !!
Le plateau de fromages est lui aussi un passage obligatoire lorsque l’on dîne au Meurice Alain Ducasse.
Pour les desserts, le chef pâtissier Cédric Grolet, élu meilleur pâtissier du monde en 2017, nous fait découvrir une de ses délicieuses spécialités. La fleur de mangue/coriandre/ avocat accompagné d’un verre de Jurançon « Au Capcèu », Domaine Camin Larredya, 2017. J’avoue que je ne suis pas trop « dessert » mais je recommande ce dernier tellement il est délicat et d’une fraicheur incroyable.
L’heure est arrivée de rencontrer à nouveau le chef Amaury Bouhours qui vient faire le tour des tables pour saluer l’ensemble des convives. En 2016, Amaury rejoint Le Meurice – Alain Ducasse comme Chef de cuisine adjoint de Jocelyn Herland. Au moment du départ de ce dernier, en juin 2020, c’est tout naturellement à Amaury qu’Alain Ducasse confie les rênes de l’établissement : « Si j’ai choisi Amaury, c’est parce qu’il a le potentiel pour incarner une nouvelle étape dans la vie du restaurant du Meurice » raconte Monsieur Ducasse.
Que peut être une cuisine étoilée vraiment en phase avec l’époque lorsqu’on se trouve dans un des plus beaux et des plus anciens palaces parisiens ?
Amaury Bouhours et son équipe apportent une réponse aussi personnelle que brillante à cette question. Le tour de force exige d’abord de ne rien lâcher des fondamentaux de la haute cuisine française : toute la précision des cuissons et toute la subtilité des jus sont là. Les années d’expérience dans l’univers d’Alain Ducasse fournissent à Amaury le solide socle technique de sa cuisine. De même, rien n’est oublié des préceptes du maître à propos des produits : ils viennent tous des meilleurs producteurs et la carte leur rend, légitimement, un hommage appuyé.
Ce jeune chef est véritablement une découverte pour moi. Sa gentillesse, sa passion pour la cuisine et son ambition et sa détermination font de lui une des personnalités importantes de l’univers de la gastronomie d’aujourd’hui. Ce dîner avait tout d’une expérience trois étoiles au Guide Michelin. C’est d’ailleurs l’objectif pour le restaurant doublement étoilé et son jeune chef qui n’a pas fini de nous impressionner dans les années à venir…
Pour réserver une table au Restaurant le Meurice Alain Ducasse, contactez le restaurant par email : Restaurant.LMP@dorchestercollection.com ou par téléphone au : +33 (0)1 44 58 10 55.
Photos © Le Meurice Alain Ducasse par Maki Manoukian, Pierre Monetta, Pierre Mouton, et Emmanuel Lupé (Chefs & Bolides).